"Un Jour En France"

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The endless war ( by Sylvie Pollastri )

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Les Vases Communicants sont un projet proposé à l’initiative de Tiers Livre (http://www.tierslivre.net/) et Scriptopolis (http://www.scriptopolis.fr/) : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. Ils sont animés avec passion par Marie-Noëlle Bertrand.

 

The endless war

Invitée pour une soirée entre femmes dans ce coin de planète, qu’il faut entendre par réunion de cas désespérés avec conversation apparente uniquement autour de lamétéoleseigneurlasantéleshommesleseigneur, toute escapade étant interdite et aucune digression permise hors de cette thématique douloureuse et affligeante, domestique sans être mondaine, dont le clou, le sommet, l’inévitable étalage culmine avec médireetlesautresvontmaljevaisbientuasdûsouffrirouimercireditelemoiencore. Avant de repartir en boucle. Ou simplement en vrille.

Mais j’y étais. J’en étais.

Pourtant j’y croyais encore, vers 20 heures, assise au salon. Je me faisais amicale, j’alimentais la conversation, sans apéritif, choisissais mes sujets après les courtoisies d’usage, glissais sur la politique (et les bonnes manières alors ?) pour aborder sans trop appuyer les faits (utiles et non choquants) de société, voire ouvrir un chapitre culturel inédit (j’ai lu…) et tenter un souffle d’humour. N’étant encore qu’avec la maitresse de maison, avant que la horde sauvage n’avançât au pas de charge, j’ai glissé sans en avoir l’air une blague sur la TVA qui allait augmenter d’ici septembre. J’ai eu un sourire, et même de connivence. Plus tard, la meute étant réunie, j’ai même lancé une petite phrase, histoire de « dévier » la conversation, faire entrer un peu d’air par une porte dérobée, alors que je venais poliment de reprendre de l’entrée et méditais déjà de ne pas accepter une deuxième assiette du plat principal car mon estomac lançait déjà des signaux de sassiété. Il y eu des ah! ah!. Puis rien.

L’assiette me parut froide et les petits pois glacés.

Tout tournoyait inexorablement autour du thème de prédilection, la souffrance infinie. J’étais fourbue. Mon corps ne me soutenait plus. Je rêvais mon lit. Je regardais, les oreilles distraites.
Après les doigts cassés, les utérus soustraits, quelque tumeur ici ou là (tiens, on n’a pas parlé du temps qu’il faisait!), un onnesaitjamaiscequipeutarriver (variante: telle est notre heure… mais non, ça, on ne le dit pas, surtout pas pour soi, à la limite pour les autres « Je lui ai parlé la veille! ») ou le récit (soft) de l’agonie de la belle-mère, la conversation un rien monologale s’est faite plus confuse (surtout ne pas citer de nom même si je te décris dans le détail la personne), la thématique se déplaçant du cancer du poumon à l’HOMME. Il s’agissait, grosso modo, du plus beau mec de la ville (très grand, très beau, 45 ans, avocat…) largué par sa nana.
Et là, j’ai vu la lubricité.

Sylvie Pollastri

(En toute honnêteté, ce court texte s’inspire d’un billet de ce blog de 2011)

Written by saiphilippe

6 janvier 2017 at 10 h 18 min

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Grande-Burne ( Genèse )

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Préambule : Grande-Burne est un personnage créé par François Cavana à l’origine. Il apparut dans «  Et le singe devint con », dans un unique chapitre. Pour une raison qu’un psychiatre expliquerait mieux que moi, le personnage m’a séduit et j’en fis le héros d’une épopée burlesque se voulant ironique voire satirique. J’espère y être parvenu. Quoiqu’il en soit j’ai décidé de retravailler tous ces textes et de les publier à nouveau. Dans ce premier opus, on trouvera également un hommage à Lecureux et Chéret, créateurs de « Rahan ». Il y a aussi Émile Louis, mais là ce n’est pas un hommage ! Bonne lecture.

La femme,  perdue dans l’océan sylvestre et boréal,  errait en quête de quelques baies afin de sustenter la faim prégnante qui lui triturait l’estomac. Depuis le matin , sordide et taché de gris, elle était en effet en proie à de vives douleurs abdominales. Son esprit rustre en avait déduit un besoin alimentaire quelconque bien qu’elle ait ingurgité la veille trois bons kilos de viande faisandée, ramassés à même le sol où des charognards , plus futés qu’elle, les avait laissés, ayant perçu les humeurs malignes contenues dans la carne: Un cocktail de bactéries tout à fait létales pour peu que vous preniez le risque de simplement les titiller. Bref,  il y avait maintes raisons, autres que l’inanition, pouvant expliciter son malaise.  Sans compter,  accessoirement, qu’elle était sur le point d’accoucher.
Mais de tout ceci elle ne savait rien, atteinte d’une stupidité congénitale lui interdisant toute pensée supérieure à la conception de taches simples, comme par exemple se torcher le derrière avec des fougères, chose commune à l’époque. Une fois, pourtant, elle avait bien tenté d’innover en se nettoyant soigneusement le séant à l’aide de branches d’acacia; méprise dont elle garda longtemps le souvenir piquant et les fesses esquintées. Ce qui, Dieu merci, ne portât guère ombrage à son physique oscillant entre l’horreur décatie et l’abomination putride. Une femelle d’un mètre-cinquante à la peau  grumeleuse de gale, aux touffes de poils semés au petit malheur et en dépit du bon sens, au  nez bouffi d’une morve abondante et verdâtre, et à la matrice pendant sur des genoux, cagneux bien évidemment. Son sourire avait un air de piège à loup serti de chicots et son regard n’était pas sans évoquer les plus belles émotions d’une truite morte. Qu’elle eut pu tomber enceinte dans ces conditions dantesques représentait déjà un miracle en soi, dont Dieu ignorait tout puisque , une fois de plus, il regardait ailleurs à ce moment là.
La chose s’était déroulée neuf mois avant alors que Bléno – tel était son prénom, n’y voyez pas malice – tétait goulûment de la sève d’hévéa… aux dires de l’hévéa en tous cas. Bien sûr Bléno avait trouvé bizarre qu’un arbre  parlât, mais après tout nous étions aux aurores de l’humanité et bon,  tout n’était pas encore clair clair ni découvert, aussi sa surprise première passa vite. Ce n’est que bien plus tard que la police préhistorique découvrit le pot-aux-roses: Ce n’était pas un arbre, mais un violeur récidiviste, un rien taquin, aimant à se faire passer tantôt  pour un innocent caoutchoutier, tantôt pour un pot de yaourt liquide, un tube de dentifrice blanchissant ou tout autre objet susceptible de cracher à un moment ou un autre de la sauce blanche. Il se nommait, par une étrange distorsion de l’espace temps, mais pas vraiment indûment, Émile Louis et, comme tous les pervers n’était pas trop regardant quant à la qualité plastiquo-rachidienne de ses victimes. Suite à son procès, il fut jeté aux fourmis rouges et voilà pour lui.
Et c’est à l’instant où Émile Louis rendit sa dernière semence de plaisir masochiste en mourant sous les mandibules de milliers et de milliers de fourmis que  Bléno cracha son inopportun colis. Un être recouvert des viscosités peu ragoutantes de sa chère maman qui, par chance, masquaient une peau squameuse de têtard abâtardi. Un être rougeaud aux esgourdes éployées et poilues dans leur écrin de cérumen, aux membres déjà noueux de force épaisse, et au nœud proéminent reposant sur l’ ensemble monolithique et mono-burnal d’un seul nodule couillu. Grande-Burne était né! Sonnez buccins, résonnez trompettes. Et le glas aussi, car, mi de surprise, mi de dépit, mi de fatigue, mite errante – Bléno ne connaissait ni les mathématiques ni le socialisme non plus- la maman ne survécut pas à l’accouchement.

Mais il n’était pas dit que les aventures de notre héros se termineraient ainsi, dans le froid glacial, presque solide, de la vaste forêt boréale. La Divine Providence s’avisa soudain de la bonne blague qu’il y aurait à faire si elle laissait vivre cet abominable poussin. Elle eut soin d’instiller dans l’esprit d’un homme intègre et au dessus de tout reproche l’envie d’une ballade en milieu forestier. Malheureusement, le seul juste qu’elle dénicha vivait à des lieues de là, loin,  très loin dans les montagnes septentrionales de la frange sud de la canopée ( cette phrase ne veut rien dire, mais faites pas chier! la Divine Providence m’inspire).
L’homme sage à l’âge quasi-canonique pour l’époque de trente-cinq ans,  était bon et généreux, épris des arts et des lettres, et sensible aux signes du destin. Ainsi donc,  lorsque il vit la tache en forme de département des Yvelines surgir inopinément sur la fesse gauche de sa compagne, il sut ce qu’il avait à faire:  Il se mit prestement  en quête de cette putain de forêt merdique en se demandant ce qu’il y trouverait, par pitié pas un lapin, il ne pouvait pas blairer les lapins,  et tout en marchant maudissait cette connasse de Divine Providence qui lui faisait quitter son foyer moelleux alors que vraiment il se serait bien tapé une grasse matinée. Il se disait aussi, dans le dedans de sa tête, que si ça continuait comme ça il se ferait athée… Crack ! Son orteil percuta un gros caillou, et  la douleur le fit  revenir à des pensées plus saines. Faut pas faire chier la Divine Providence, Il me semble bien vous l’avoir déjà dit.
Hors, pendant ce temps là, le bourru bébé Grande-Burne seul dans sa clairière ne se demandait rien de particulier, mais en revanche crevait littéralement la dalle. La Divine Providence essayait bien de le guider vers telle ou telle racine sinon aguichante au moins nutritive, mais l’esprit du bébé demeurait rétif à la sainte pénétration. Toutefois, il s’en sortit bien tout seul en suçotant le seul morceau de viande accessible à ses petites canines, à savoir le corps sans vie de maman Grande Burne. Celui ci ,d’ailleurs, gagnait dans la mort la saveur qu’il n’avait pas eu de son vivant, comme quoi il ne faut jamais désespérer.
Deux mois passèrent ainsi avant que les frondaisons ne laissasses apparaître le sauveur, couvert d’écorchures, de fientes d’oiseaux mesquins, de sangsues chopées dans divers ruisseaux tous plus boueux les uns que les autres, sans compter la conjonctivite carabinée contractée à cause de ses multiples rencontres avec des lapins. Les seuls animaux qu’il lui fut donné de capturer au reste, les autres s’étant mystérieusement évaporés aux moments fatidiques quand il croyait les tenir. La Divine Providence est un peu salope parfois. Il se consolait en se disant que de toutes ces terribles épreuves il tirerait, à son retour, un livre qu’il nommerait: « L’Odyssée ». Laissons le rêver un peu.
Pour l’heure il se contenta, dégoutté, d’attraper le bébé  pour le retirer du tas de fumier sur lequel il reposait. Il faut dire que Bléno s’était légèrement flétrie avec la décomposition, le climat rude, et les canines de son fiston et tout ça,  tant est si bien qu’elle en était devenue méconnaissable. Mais pas vraiment plus moche, il faut le reconnaître.
Le voyage du retour s’effectua sans incident notable, pas plus qu’à l’aller en tous cas, et c’est sous un soleil éclatant que l’homme et son fardeau -mais que ce bébé était lourd- firent leur entrée triomphale dans le village. Sis aux pieds d’une montagne magnifique tachée de pinèdes éparses, de gros rochers sympathiques où des bouquetins cabriolaient innocemment sous les regards attendris de l’aigle emportant la progéniture de tel ou tel d’entre eux afin de l’éviscérer bien à l’aise, le patelin était un vrai décor de carte postale. L’homme, épris des arts et des lettres, se promit de les inventer un de ces jours, en contemplant le Mont Bleu, leur montagne,  à lui et au peuple si cultivé dont il était le chef. Ils auraient mieux fait d’être épris de géologie, vu que le mont Bleu était un volcan, mais bon n’anticipons pas. Crao, car c’était lui, mena le nouveau-né dans sa cagna où l’attendait l’âtre rassurant de la cheminée et celui bien profond, et d’une douceur incomparable, de sa chère femme Térébenthine. Il déposa bébé Grande-Burne dans le berceau, auprès d’un autre poupon, tout rose de fossettes et blondinet de chevelure, qui faisait « areuh areuh » exactement au bon moment, dormait ses nuits entières, faisait des cacas faciles à nettoyer et de petits rots de digestion adorables. Quand bébé Grande-burne bavait comme un dogue, rotait comme un porc, chiait des bouses apocalyptiques, et beuglait comme un veau au lieu de babiller. Le poupon s’appelait Rahan, et Grande-Burne fut son frère.

Les jours, les mois et les années, grains de sable au vent du désert, s’envolèrent comme ils font d’habitude, à peine troublés par les braillements intempestifs  de l’individu mi-homme mi-on-ne-sait-quoi qui manifestait ainsi ses émotions primaires. Très vite Crao se rendit compte que cet enfant, si cette boule de poils suintante pouvait être nommée ainsi, ne serait pas de la tarte à faire lever.
Têtu au point de pouvoir fendre du granit avec sa tête, le jeune bambin Grande-Burne se montrait récalcitrant à la philosophie empreinte de sagesse métaphysique de Crao. Alors que Rahan, bouche bée, buvait les paroles de son père, Grande-Burne, plus prosaïquement, bavait en triturant son testicule déjà précoce. Cet enfant  était,  en effet, doté d’un surplus d’hormones ahurissant,  et bien que son physique eut été susceptible de mettre en fuite un troupeau de phacochères, il présentait auprès de la gent féminine, en période d’ovulation uniquement, une singulière attraction. Pensez donc qu’à l’age de six ans, alors que Rahan en était encore à jouer aux p’tits dinosaures, Grande-Burne était capable d’enflammer les sens de Térébenthine, sa maman adoptive. Heureusement, femme de tête qu’elle était, elle ne se laissa jamais aller à ce penchant aussi indiscutable que coupable, sans quoi cette histoire, si belle et pleine d’enseignements  (et pas seulement menstruels) serait devenue vraiment dégueulasse. A l’école aussi, le fils damné des âges farouches à la con  posait problème. Peu enclin aux études,  il pouvait rester des heures prostré, ses yeux noirs perdu dans le vide sidéral d’une contemplation extatique d’un grain de poussière luisant sous le soleil, en ne se demandant rien de particulier mais sans omettre de lâcher quelques fragrances anales nauséabondes. Rahan, lui, était premier de la classe et en butte à la jalousie de certains de ces camarades qui le traitait volontiers de « tapette blonde ». Grande-Burne dans ces occasions là, sortait de sa léthargie, cassait quelques dents, brisait quelques bras, et par ces actions modérément violentes protégeait la dignité de son frère Rahan, un peu malingre dans ses jeunes années, il faut bien le dire. Mais on l’aura compris, ce n’est guère avec ce genre d’actions que l’on décroche les premiers prix et les bourses d’études. Et fatalement Grande-Burne fut placé sur la voie de garage de l’époque à savoir:  la chasse à l’aurochs . Ce qui, peu ou prou, relevait de l’étude des bouses , techniquement parlant.  Au grand soulagement de Crao qui put enfin se réjouir, car le jeune homme excella en ce domaine.   Finies les angoisses paternelles! Finies les ablutions dans  la Dolt’Eau, la fontaine miracle des éducations laborieuses. Finie la lente déliquescence de sa bonté, Crao pouvait à nouveau envisager l’avenir d’un œil serein et humaniste sans crainte de voir resurgir le désir malsain, qui l’avait saisi plus d’une fois face à Grande-Burne, d’écrire « Mein Kampf ». De joie, il offrit à Grande-Burne une massue à défoncer les cranes d’aurochs  et à Rahan, pour ne pas faire de jaloux, un coutelas d’Ivoire et Carré, trouvé dans un paquet de nouilles. Et il alla se coucher sur sa femme pour finir de fêter ça.

Le lendemain le Mont Bleu entra en éruption, à la surprise générale car personne n’avait choisi « géologie » à la faculté locale. Et tandis que Térébenthine s’asphyxiait doucement en respirant des cendres et des gaz funestes à en devenir bleue, elle aussi, Crao se mourut d’une bonne grosse roche volcanique par sa trogne reçue. Rahan reçut, quant  à lui, les dernières volontés paternelles, promit  « d’aider ceux qui marchent debout, même les basanés comme ton frère qui ont leur utilité » , et toutes ces sortes de choses. Tandis que Grande-Burne ne reçut rien de personne car il avait passé la nuit à hurler du grand rut printanier qui lui serrait les reins , au tréfonds de la forêt touffue, pas très loin de l’endroit où rien de particulier, encore en fois, ne s’était jamais passé.

Written by saiphilippe

6 janvier 2015 at 11 h 53 min

La lettre Antique ( par Charlène Fuché )

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VI October 821 Ab urbecondita

Mon cher Sylvuis,

Mon médecin Dimitrion est venu me rendre visite ce matin à la villa. Ce fut un long voyage pour lui afin de me rencontrer. Faire le chemin à partirde Rome pour se rendre à la province de Naples, en Campanie, puis rejoindre Pompéi s’est avéré éprouvant.

Disons seulement quecette donnée me permet de penser que c’est l’une des raisons qui justifie tes nombreuses absences.

Être tribun à Rome demande beaucoup d’engagement et d’abnégation. J’ai exercé cette fonction jadis, et nous avons le devoir de nous livrer avec toute notre intégrité à cette majestueuse cité, symbole de notre Empire.

Je t’épargne la description de mon corps d’homme qui avance en âge et s’apprête à mourir.

Ce corps, mon plus fidèle compagnon, mieux connu de moi que de mon âme, n’est qu’un monstre sournois qui finira par me dévorer.

Je suis en paix. Mais la colère de Vulcain qui s’est abattue sur notre ville n’a fait qu’accentuer les fluctuations de mes humeurs, et ce au détriment des quelques jours qu’il me reste à vivre.

Dimitrion est un savant d’une grande sagesse. Mais nul ne peut dépasser les limites prescrites par les Parques.

Je suffoque, et mes poumons ne pourront plus m’apporter d’oxygène, l’éther de la vie…

J’oscille malgré moi entre l’espérance et la peur. Je pries simplement les Dieux pour avoir suffisamment de répit pour que cette lettre puisse être dépositaire de ce jour maudit.

Je compte sur ta compassion et sur l’affection qui nous lient pour que tu puisses la transmettre aux générations qui suivront.

La mémoire disparaît et meurt elle aussi, mais les écrits restent et demeurent immortels. Je ne souhaiterais pas que ce dernier devienne un palimpseste ranci rongé par l’oubli.

Actuellement,l’automne a remplacé l’été. Je déguste avec une exquise délicatesse les noix, les figues, et le vin fraîchement pressé que mon esclave m’a apporté. Les braseros sont allumés et leur douce chaleur m’enveloppe avec volupté.

Ce feu si apaisant, si lumineux et purificateur… Je ne pensais plus pouvoir en admirer la beauté. Être admiratif de ces flammes arborescentes rouges et dorées, qui dansent pour signifier la renaissance prochaine de la nature et de la vie.

Ces charmantes créatures qui, il y a deux mois, furent titanesques, cruelles et sans pitié,laissant un paysage de brandons, de poussières et de suie.

J’ai hélas connu à deux reprises l’ombre de cette lumière, le froid de cette chaleur, la destruction de cette fonction réparatrice.

Le feu nous fut offert par Prométhée. Un cadeau à double visage, qui me persuade que lapunition qui lui a été infligé est amplement méritée. Combien de foies, combien d’hommes, de femmes et d’enfants moururent à cause delui? Je ne les compte plus. Ce sont des disparus, reposant je l’espère sur la terre bienfaisante des Champs Élysées.

Je me remémore, à l’aube de mon passage sur le Styx, de la première manifestation maléfique de ce feu soit disant sacré. Tu étais si jeune à l’époque, que tu ne dois pas t’en souvenir outre mesure.

Le IX Quintidis 836 Aburbe condita, alors que j’exerçais ma fonction sous le règne de notre auguste Empereur Néron, un incendie se déclencha brusquement,ravageant et détruisant la cité sous un déluge de flammes immenses et incontrôlables.

Dans un premier temps, la présence de cet ennemi impersonnel presque abstrait produisit chez moi une exaltation indescriptible. Sa puissance, son aura éblouissante voire hypnotique cachait à ma vue le désastre qu’il produisait. Rapidement, il consuma les merveilles de notre inestimable capitale.

Cette invasion sauvage ne pouvait être selon moi qu’une punition commanditée par nos Dieux jaloux que nous, simples mortels, ayons pût asseoir notre souveraineté sur un Empire aussi étendu que le leur.

Par la suite, mon jugement mystique fut remplacé par une vision et un jugement plus rationnel. La magie était devenue un cauchemar, qui plus est explicable. Les insulaes, étant constituées majoritairement de bois, accentuèrent ce souffle brûlant comme autant de feux grégeois qui se déversèrent dans toutes les rues.

Puis ce furent les cris de panique et de peur de la populace prisonnière qui parvinrent jusqu’à mon ouïe. La mort avait adopté les traits de sillons flamboyants, réduisant en cendres les monuments, les habitations et les êtres vivants.

Le lendemain, Rome était devenue le Tartare où les âmes suppliciées agonisaient en silence.Et ce n’est pas Cerbère qui allait les délivrer. Chacune se présentait tour à tour devant le tribunal de Manos, Eaque etRadamanthe. Je me surpris même à invoquer Hypnos, afin de le supplier d’endormir les souvenirs de ceux qui périrent et de ceux qui survécurent.

Les miens restent gravés comme dans du marbre.

Je n’ai jamais réellement su quelle était la part de responsabilité de notre Empereur. La majorité le désignait coupable. D’autres ont accusé les Chrétiens.Toujours est-il que cette vengeance entraîna par la suite d’autres crimes et bains de sang. En effet, Néron incomba cette catastrophe aux adeptes de la nouvelle religion. Après cette déclaration officielle, les crucifixions et les bûchers se multiplièrent. Je ressens encore après toutes ces années, l’odeur infecte de leur chair brûlée.

Sylvuis, comment nos citoyens romains, réputés pour être les esprits les plus élevés du monde ont-ils pu sévir aussi médiocrement que des Barbares?

J’ai confessé mon incrédulité à mon ami philosophe Sénèque, le précepteur de l’Empereur. Notre constat fut malheureusement le même : Nous vivions un règne de décadence et ses mœurs ne convenait plus à ma conception de l’esprit romain.

Je pris la décision de quitter Rome pour venir m’installer à Pompéi. La ville était prospère, la nature y était abondante et luxuriante au pied du Vésuve, et sa réputation m’insufflait qu’il y faisait bon vivre.

Ce changement, bien que souhaité et nécessaire, engendra la cause de notre première rupture. Je partis le cœur en feu mais avec une conscience apaisée.

La maladie commença à m’envahir progressivement. Je n’y prêtai guère attention,persuadé que Dimitrion saurait me soigner et me soulager, ce qu’il fît par ailleurs avec dévouement et efficacité.

C’est une certitude de savoir que nous sommes condamnés à mourir. Mais c’est plus difficile de l’accepter. La pulsion de vie qui nous anime a tendance à nous leurrer et nous faire croire le contraire, jusqu’à ce que nous atteignions la dernière limite du possible. J’ai été dupé par cette croyance, malgré les nombreuses mises en garde de mes confrères.

Malheureusement,malgré mon trépas qui s’approche, j’ai revécu pour la seconde fois la douleur engendrée par les feux de la mort. J’aurais préféré ne pas y assister. Les Dieux en ont voulu autrement. Je n’ai pu qu’assister à cette tragédie, impuissant.

Le XXVII SextilisAb urbe condita, un nuage d’une taille immense sortit du cratère du volcan.

Tel un arbre gigantesque,il s’élargit dans les airs en de multiples rameaux, atteignant directement les villes les plus proches de la mienne. Herculanum, et Stabies ont disparu rapidement, enveloppées par un brouillard noir incendiaire.

Puis l’explosion,accompagnée de son cortège de secousses telluriques. D’énormes masses se projetèrent de façon foudroyante, décimant le paysage.La majorité des habitants moururent asphyxiés par des nuées ardentes ou écrasés par des scories volcaniques et des matériaux éruptifs.

La chaleur produite était insoutenable. Ta mère, Antonia, m’aida à descendre dans notre cave.Ce sacrifice causa sa perte. Nimbée d’un amas de poussière incandescente, elle prit l’apparence d’une statue telle que la mor tl’avait saisie.

Je continuais d’observer,à travers ce rideau de larmes qui me coulait des yeux, ce funeste théâtre.

Les coulées de lave apparurent après l’ouverture de la bouche de ce démon de pierre.Elles ruisselaient, épaisses, aussi colorées que le rouge du sang versé et aussi brillantes que l’or fondu. Elles coulèrent dans toutes les ruelles, injectant le feu à tout ce qui pouvait les nourrir. J’ai cru moi même trépasser sous les écroulements des murs de notre habitat.

Malgré ces conditions désastreuses, certains réussir à fuir. Je fus, quant à moi, l’un des rares rescapés à être resté sur place, contemplant cette peinture morte d’un tapis de suie là où, hier encore, trônait Pompéi.

Elle n’existe plus désormais, si ce n’est dans mon esprit.

Mais cela n’est rien en regard, mon cher fils, de ce feu qui me dévore de l’intérieur: ton absence.

Viens me voir. Une dernière fois.

Ton père,Lucius Marcus.

Written by saiphilippe

5 janvier 2015 at 12 h 37 min

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Ex Catho-logique ( 6 )

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« Bienvenue sur la hot-line. Si vous désirez modifier votre abonnement ; tapez 1 ; si vous avez un problème technique composez le 2 ; si vous désirez être mis en relation avec un conseiller clientèle, tapez 3… » fit une voix engageante et chaleureuse sous laquelle perçait l’absence de toute humanité.

Dieu tapota la touche «  3 » de son téléphone rouge.

«  Vous désirez être mis en relation avec un conseiller… confirmez ce choix en prononçant « oui » … »

Dieu prononça « oui », un tantinet agacé.

«  Bien ! » fit la voix douce et factice «  vous désirez être mis en relation avec un conseiller clientèle. votre délai d’attente est estimé à moins de 15 jours… »

«  Quoi ! ? Bordel de Moi-même ! Arrête tes conneries Satan ! » éclata le Bon Dieu en sautant sur sa chaise.

«  Qui êtes-vous ? » fit la voix sensuelle comme un coup de fouet sur un cul dodu.

«  Je suis Celui qui ne doit pas être nommé en vain ! Je suis l’Éternel ! Je suis ton Dieu, créature ! »

Il y eut un silence, puis une musique d’ascenseur patienta le silence durant une bonne minute, puis un clic et enfin Dieu entendit :

«  Sauf ton respect, mon pote, ici t’es que dalle ! » C’était une voix de contrebasse en rut majeur, soufflée plus que parlée, inquiétante, menaçante, la voix du stupre et de la malveillance absolue. Elle contrastait fortement avec la précédente qui n’appelait qu’au viol et à la sodomie sans vaseline finalement.

«  Je me doutais bien que c’était toi, Satan ! C’est quoi ce délire avec le téléphone ? »

«  On a beaucoup trop d’appels, t’imagines même pas, fichu branleur de mes deux cornes !  Et d’abord je ne suis pas Satan, je suis Lucifer ! »

«  Arrête tes conneries ! Satan, Lucifer, Belzébuth, qu’importe ! Ton nom est Légion ! »

«  est « étrangère » est mon prénom, pauvre con !  Bon, qu’est-ce que tu veux, ô Grand Connard Céleste ? »

«  Que t’arrêtes de m’insulter, pour commencer, parce que sinon on va pas s’en sortir . » Fit Dieu, conciliant.

«  Ok, ma poule, qu’est-ce qu’il t’arrive ? »

Alors Dieu raconta l’histoire de la prophétie, la chasse au Malachie, Gabriel, Battesti, le combat final et tout le tremblement. Satan, bon public, ponctuait le récit de Dieu avec forces «  putain ! Tu déconnes ? », «  mon pauvre Vieux… », «  Oh ben ça alors, bordel de merde de pute à cul ! », comme font les enfants bien élevés quand on leur raconte une histoire captivante. Et Dieu termina :
«  Tout ça pour te demander si, par le plus grand des hasards, tu n’aurais pas décidé de prendre de l’avance sur le calendrier en envoyant sur Terre l’antéchrist et ainsi me forcer à l’Armageddon ? »

«  C’est tout ? » fit Satan, narquois, bien qu’en son for intérieur il ressentit les prémisses foireuses de l’angoisse. Un antéchrist ? Que ce bon Dieu était naïf ! Mais comment lui avouer que sa chère humanité regorgeait d’antéchrists, jetés là, génération après génération, par son génie maléfique. Ils pullulaient sur les places financières. Il en débordait des conseils de ministres. Il n’était pas jusqu’à la moindre épicerie Carrefour qui n’en fut farcie ! D’un autre coté n’était-il pas le Malin ? N’était-il pas destiné à éprouver les nerfs de Dieu, à lui prouver que l’humanité ne valait pas tripette ? Bref, il avait effectivement envoyé l’antéchrist. Par paquet de douze. Et pas qu’une fois !

Le problème avec les antéchrists, c’est qu’ils sont imbus d’eux-mêmes, fats, cupides, obstinément préoccupés de leur bien-être personnel, de leur enrichissement aux dépends des autres, de leur jouissance. Oh il font le Mal, certes, mais uniquement pour leur confort. Au point qu’aucun ne fut jamais en mesure de mettre son intégrité, morale aussi bien que physique, au service d’un intérêt supérieur, fût-il la victoire du Mal sur le Bien. Satan se l’avouait parfois les soirs de déprime : c’est d’un Saint dont il aurait eu besoin. Mais il n’avait pas ça en magasin.

Alors il répondit :

«  Non »

Après avoir raccroché le combiné, Satan gambergea un peu. Cette histoire le turlupinait et ce n’était pas agréable. Qu’un mec roule Dieu dans sa pure farine de Père-La-Pudeur suprême ne lui déplaisait pas, fondamentalement parlant. Mais que lui, le Prince des Ténèbres, n’en sut pas plus ni n’en fut à l’origine lui était insupportable ! Se pouvait-il qu’un petit malin veuille lui ravir la vedette ? Une espèce de petit enfoiré essayait-il de le doubler, pour quelque motif inavouable ? Peut-être pour prendre sa place !?

«  Ah non ! » bondit-il comme un Diable hors de sa boite.

Written by saiphilippe

10 mars 2013 at 18 h 46 min

Ex Catho-logique ( 5 )

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Les moutons paisibles paissaient et croissaient sans crainte sur le plancher de la piaule de cette peau de vache de Battesti. Son visage, griffé de rides et ignoré du rasoir comme son parquet du balai, restait digne, alors que se poursuivait la perquisition policière. Imperturbable, son regard vit la planque de Saint Malachie débusquée, sous les moutons, sous le plancher réduit en copeaux. Puis on conduisit cette lie de paradis dans les locaux du SAS, au grand renfort d’un tapage de sirènes célestes accompagné d’auréoles clignotant blanc-bleu. Superflu mais très joli. Il fallait bien que l’on marquât le coup ! rendez-vous compte : une arrestation au paradis ! Ça ne s’était pas vu depuis des temps immémoriaux, depuis le grand clash, depuis le grand schisme, la grande révolte… depuis l’expulsion de l’ange déchu, Lucifer.

S’il exhalait de Battesti une forte odeur de gibier de purgatoire, en revanche on aurait donné à Saint Malachie un blanc-seing pour la Maison Blanche, tant était patente sa licence de sainteté. Il était effectivement en possession d’un petit papier de Dieu tout à fait conforme : Date et motif du décès, résumé succinct des actes de sa vie terrestre et de sa canonisation dans les règles de l’art. Plus un certificat de non-pécheur toutes saisons, tamponné en bonne et due forme. Et une carte de membre du club des « Saints à Bicyclette ». Incongrue, certes, mais chacun est libre de combler son éternité comme il l’entend. Battesti, lui, n’avait pas ses papiers. Arguant les avoir égarés lors d’un déménagement, il appuya ses dires d’une version slam d’«  Hécatombe » de Georges Brassens. Puis il enchaina sur «  l’Internationale », après quoi il réclama, à grands cris, une guitare électrique. Ce qui lui fut refusé. Alors il se se vengea en massacrant, à capela, «  Highway to Hell » et les oreilles de l’assemblée ! Finalement, jetant tout azimut une bordée de malédictions corses, il se mura dans un silence de cathédrale et nul ne put lui arracher une once de parole censée.

Malachie n’avait pas grand chose à cacher et ne nia d’ailleurs pas être l’auteur de la prophétie dite «  des Papes », en revanche il affirma avec véhémence son innocence quant à l’envoi du télégramme fatidique, celui par qui toute cette histoire avait commencé ( vous feriez bien de la relire soit dit en passant. Nda). Il certifia avoir écrit la prophétie sous l’emprise d’un alcool de trèfle assez redoutable et s’en être repenti à maintes reprises depuis, que la sainte aspirine en soit louée ! Il avoua une certaine addiction au jus de pomme. Il déclara avoir rencontré Battesti à un festival polyphonique, sa passion secrète avec la bicyclette et la taxidermie, bien qu’il eut dû renoncer à cette dernière en raison d’une carence quasi totale de cadavres au paradis.

Gabriel rapporta aussitôt ce témoignage à Dieu qui prit un dix-millionième de microseconde pour vérifier dans son infinie mémoire des actes des hommes si tout ceci était exact. Et cela l’était. Dieu se dit ensuite qu’Il aurait mieux fait de commencer par là plutôt que de laisser monter la mayonnaise puis se ravisa en se souvenant qu’Il était par essence infaillible. Par contre, malgré deux bonnes secondes de plus sur le sujet, Il ne parvint pas à identifier la source du problème, à savoir  l’expéditeur du télégramme. Merde alors ! Qu’est-ce qui pouvait bien échapper à son divin contrôle ?

Tendu comme un Kennedy sous la menace de missiles cubains, Dieu souffla à Hubert :

«  Passez-moi le téléphone Rouge ».

Written by saiphilippe

7 mars 2013 at 11 h 04 min

Ex Catho-logique ( épisode 4 )

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Huit heures du matin, non loin du purgatoire, un des recoins les moins clairs du paradis, à la frange septentrionale, si tant est qu’on puisse ordonner des points cardinaux hors de tout conclave, se trouvent les bas-fonds baptismaux. S’encanaillent en ces lieux de perdition relative, les anges en rupture de ban, les saints pas très catholiques, les arrivés-là-par-hasard, les déçus de l’illumination divine. On y trouve aussi, pêle-mêle, des vendeurs d’estampes gentiment érotiques, des mahométans amateurs de saucisson et des juifs intégrés. Et aussi des marchands de fruits de la connaissance du Bien et du Mal de contrebande. Et Puis une distillerie de jus de pomme clandestine.

Les anges du SAS ont pris position aux pourtours, planqués derrière leur lunettes noires, elles-mêmes dissimulées par des journaux comme le sérieux « New-Jérusalem-Tribune », « Le Matin du Paradis », ou encore le très controversé « Plus-Près-de-Toi-Mon-Dieu », apprécié des férus de potins sur la Sainte Famille et de photos chocs . Affutés par des siècles de glandouille, ils promènent, malhabiles, leur volonté de bien faire. Les uns patrouillent benoitement d’une échoppe à l’autre sans jamais faire mine de s’intéresser à la marchandise, les autres s’attablent aux terrasses des cafés mais ne commandent rien. Gabriel, téléphone à l’oreille, tente de mimer une conversation pénible avec sa mère. Et tous guettent ostensiblement les abords immédiats de la distillerie de jus de pomme. Par chance pour eux, peu au fait des manières policières, les usagers du coin menaient leur petit manège quotidien, sans se montrer plus soupçonneux que ça envers cette bande d’anges bizarroïdes, aussi inaperçue qu’un concert de David Guetta dans un cloitre voué au silence.

«  Go go go, action ! » s’écria brutalement Gabriel en apercevant la cible pénétrer dans la distillerie.

Aussitôt, les journaux volèrent, les ailes s’activèrent et tout ce beau monde se rua vers l’entrée comme un seul ange. Mais la porte était trop étroite pour qu’ils puissent la franchir ensemble, même en se tassant bien, aussi il y eut quelques contusions, une cheville foulée et un air con général. Parvenus, par miracle, dans le vaste hangar encombré d’alambics, nos flics sacerdotaux lâchèrent des bordés d’injures, chastes toutefois, et firent un tel barouf que l’assistance en fut pétrifiée. Et c’est heureux parce qu’aucun de ces couillons n’ayant pensé à surveiller la porte de derrière, tous les délinquants auraient pu s’enfuir, s’ils n’avaient pas également été des couillons confirmés.

On ceintura les gentils brigands et Gabriel, soufflant sa fumée de clope dans les naseaux de celui qui semblait être le chef, tint ce discours :

«  Écoutez, tas de fumiers bio, je sais de source sûre que le dénommé Saint Malachie est un habitué des lieux et je sais qu’il crèche chez l’un d’entre vous ! »

Un silence. Long silence.

Puis un ange passa.

«  je peux aller au toilettes patron ? » demanda t-il.

Enfin une voix se fit entendre, pleine de défi :

«  Et comment tu sais ça, toi ? » firent les naseaux fulminants de celui qui semblait être le chef.

Il s’exprimait curieusement, avec un débit de parole haché, une pointe de fierté hors de propos et une posture générale bouffie d’outrance. Bref, il se la pétait grave.

«  Ah ah ! Quand on parle du loup ! Tu t’es trahi, Philippe Battesti, car c’est bien toi que nous cherchions ! » S’exclama Gabriel.

«  Et comment tu sais que c’est moi, toi ? » fit le suspect à l’accent indéfinissable et irritant. Le genre d’accent qui pousse à la violence. Ou à poser des questions idiotes.

«  Non mais t’es con ou quoi ? Dieu, notre boss à tous, qui voit tout qui sait tout, ça t’évoque quelque chose ou bien ? »

Philippe Battesti était fait comme un rat désormais ! inutile de nier qu’il abritait Saint Malachie. Et pourtant il persista dans la menterie, car son orgueil était plus fort que la vérité. Il faut dire que, dans sa vie terrestre, Philippe était Corse. Un île où les gens, rompus au mensonge et au banditisme de grand chemin, occupaient leur emploi du temps honnête à jouer aux douaniers ou au postiers, métiers éreintants s’il en est, surtout à l’époque d’internet et des frontières ouvertes à tous vents.

L’instant est venu de renseigner l’aimable lecteur de ces saintes écritures à propos des mœurs étranges du paradis. Notamment concernant les interdits. En réalité rien ne l’est formellement, simplement les conduites à risques, ou inconvenantes au yeux de Dieu, ne procurent plus aucun plaisir. C’est ainsi que l’alcoolique invétéré peut boire sans soif mais ne trouve jamais l’ivresse. Que John Fitzgerald Kennedy, après avoir sauté l’intégralité des saintes du paradis sans jouir une fois, trouva en revanche l’extase dans la philatélie. Hé oui, courbez-vous fiers Sicambres, brûlez ce que vous avez adoré, adorez ce que vous avez brûlé. Les premiers seront les derniers et toutes ces sortes de choses. En définitive, la seule transgression un peu jouissive possible est d’accomplir tout et n’importe quoi en s’imaginant que Dieu n’est pas au courant. C’est faux bien sûr car Dieu sait tout, cependant, parfois, Dieu s’en fout. Nuance. Ceci explique donc les distilleries clandestines de jus de pomme, la vente de roudoudous sous le manteau, les corses inutilement arrogants.

Written by saiphilippe

1 mars 2013 at 10 h 26 min

Ex Catho-logique ( épisode 3 )

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Maison Blanche, 4 heures du matin heure paradisiaque. La cellule de crise divine se réunit dans le bureau ovale de Dieu. Qu’on ne se méprenne cependant pas : il n’y a cette fois aucune amusante coïncidence dans ce fait troublant. L’ovale rappelle à Dieu la forme de l’Univers que, dans son infinie sagesse, il a bien voulu créer. Bien qu’en réalité l’Univers arborât plutôt la forme d’une goutte d’eau depuis le point d’origine, à savoir le big-bang – que Dieu appelle plus volontiers «  le jour où J’aurais mieux fait de me casser une jambe » – allant croisant jusqu’à adopter une forme ovoïde assez peu pratique pour y caser des meubles, mais parfaite pour y déposer planètes et constellations.

La cellule de crise de la Maison Blanche se compose de Dieu, du Fils, et du Saint-Esprit. En résumé, elle réunit Dieux tous seuls. Cela dit, afin que nos aimables ouailles ne perdent pas trop le fil des débats, nous avons choisi de dissocier clairement la triple – et unique – personnalité de Dieux. Jésus prit la parole :

«  Papa, Titi, notre dévoué Saint Pierre m’ a appris que ce fameux Saint Malachie était, dans sa vie terrestre, un évêque d’Irlande du XI siècle après Moi. Il se serait piqué de quelques prophéties au sujet de la fin des temps, évoquant en vrac le dernier des papes, la venue de l’Antéchrist, la Jérusalem Céleste, le combat final… tout ça quoi. »

«  Et en quoi sommes-nous concernés mon Fils ? » fit Dieu, dédaigneux.

«  Ben, il paraitrait que sur Terre on soit justement sur le point d’élire le dernier des papes. Ça a dû faire flipper Saint Machin-Chose, je suppose. »

« Hum… Bon, je me souviens bien avoir proféré deux-trois bafouilles au sujet de la fin des temps, par ton entremise d’ailleurs, mon Fils. Mais je ne me souviens pas avoir fait de ce type un prophète agrée… d’un autre coté je ne me souviens pas non plus avoir crée l’Irlande, donc, l’un dans l’autre, il est possible que ce type ait reçu de Moi l’autorisation de semer la panique. Faudrait mettre la main dessus, ce serait le plus simple, Je pense »

«  Je pense aussi Papa »

«  Cui-cui » approuva le Saint-Esprit.

«  Bien. Qu’on mette immédiatement sur le coup Gabriel et sa Section Angélique Spéciale ! » ordonna Dieu.

L’Archange Gabriel, accoudé sur le zinc de son bureau, s’absorbait dans la contemplation métaphysique de l’olive qui barbotait dans le martini servi, un instant plus tôt, par une assistante ailée au petit cul adorable. Toujours sur la brèche ! Telle était la devise de Gabriel et de ses SAS. Mais ça n’interdisait pas un moment de détente entre deux interventions. Cela dit, ça restait assez tranquille ces derniers temps. Depuis l’Annonce faite à Marie, ça faisait un milliard trois-cent vingt et un mille putains de martinis détendus. Et le téléphone sonna.

«  Gabi ? C’est Jésus. Prends tes gars et trouve-moi un type nommé Saint-Malachie »

« Quoi, qui ? Hein ? Seigneur !…c’est Toi ? Oh merde, Ô Seigneur ! »

«  Ouais, c’est Moi ! Ferme-là un peu et écoute! On dirait vraiment que t’as vu la Vierge ! Bon je répète : Saint-Malachie, un Irlandais… il est probablement alcoolique, commence par les tripots »

«  Oh merci mon Dieu ! Oh Seigneur ! Ce sera fait Seigneur ! À vos ordres ! Hosanna, Hosanna ! »

«  Ouais, pareil. Allez, grouille ! »

Gabriel vissa sur son crane un feutre bien élimé et à ses lèvres une clope bien allumée. Il éclusa d’un trait son martini puis, avant de sortir, colla une main au petit cul adorable de l’assistante qui gloussa, mi-surprise mi-offusquée mais à plein satisfaite. Une fille bien élevée en somme. Maintenant vous savez quoi faire pour gagner le paradis, mesdames.

Comme saisi par le froid et l’humidité d’une ruelle sombre, Gabriel renfrogna les épaules dans son trench-coat, ce qui n’était pas facile rapport à ses ailes d’archange. Il faisait 19°, le ciel était au blanc-bleu-léger des six heures du matin paradisiaque, et jamais il ne pleuvait. Il faut dire que Gabriel, entre deux martinis, avait cultivé une certaine attirance pour les romans noirs des années cinquante et les attitudes à la Bogard – sans aucun risque de choper le cancer, ce qui est toujours appréciable-, mais il avait un peu tendance à surjouer.

Toujours sur la brèche !

Written by saiphilippe

27 février 2013 at 17 h 54 min

Ex Catho-logique ( épisode 2 )

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Or le soir, lumineux, tombait sur le paradis en dessinant sur la blancheur immaculée du lieu de magnifiques dégradés de blanc ; les pommiers éternellement fleuris projetaient leur ombre blanche sur le sol blanc-vert de la pureté absolue ; et le ciel bleu-blanc clair de la nuit céleste n’arrangeait guère les insomniaques, mais de quel droit la créature critiquerait-elle le blanc dessein de Dieu, hein, je vous le demande ? Et donc le paradis ne connaissait ni la nuit-noire, ni les trente-cinq heures, ni les revendications intempestives. Il n’y avait subséquemment aucune raison pour que le Bon Dieu se privât de mander sur l’heure tardive, de la blanche-nuit, Saint-Pierre afin que ce dernier l’éclaire sur l’identité de ce foutu Saint Malachie.

Une convocation chez le grand patron, quel qu’il soit, n’augure usuellement rien de bon et c’est bien dans cet état d’esprit que Saint Pierre accourait à barbe abattue vers la grande demeure, blanche évidemment, du Bon Dieu. Il trainait derrière lui un chapelet de carrioles emplies de paperasses diverses qui volaient en tous sens en se répandant sur la chaussée. Mais Saint Pierre continuait de courir car il avait de bons mollets et une flopée d’assistants angelots en guise de ramasseurs de fourbi éparpillé. Et dans leur tête, les angelots se demandaient pourquoi ce vieux sagouin ne passait-il pas à l’informatique. Dans sa tête, Saint Pierre ne se demandait rien, car il avait du mal à courir et à réfléchir en même temps.

Sur le bord de la route, les badauds s’attroupaient, lançaient des encouragements et des bidons d’eau. Des «  Vas-y Pierrot ! » des «  Ouais, alleeeeez ! » et même deux ou trois «  Cours ! Forest, cours ! » lâchés par quelque plaisantin cinéphile. On en vit qui se joignait à l’effort par solidarité, ou manque de distractions, mais dans sa course éperdue Saint Pierre s’en moquait. Au loin scintillaient les grilles du palais Divin et les supporters se voyaient peu à peu remplacés par les anges du service d’ordre. Sonnèrent les buccins, résonnèrent les trompettes et, enfin, le vénérable premier pape franchit les grilles dorées du divin palais qu’ici, par une amusante coïncidence, on nommait Maison Blanche. Et certes ce n’était pas très original vu que toutes les baraques des cieux étaient blanches. Et immaculées. C’est pourquoi, afin de la différencier, on accolait à celle-ci de belles majuscules à l’écrit et un soupçon de crainte respectueuse à l’oral.

Hubert accueillit Saint Pierre et le conduisit séance tenante au Fils de l’Homme, car le Bon Dieu répugnait à s’entretenir avec la bande de potes dégénérés du fiston. Quand bien même Lui et l’Autre était Uns. Il aurait tout aussi bien pu l’envoyer causer au Pigeon Céleste, rien que pour se foutre de sa gueule, mais bon, par commodité il n’avait pas poussé l’outrage jusque là.

«  Alors Pierrot, comment vas-tu ma vieille branche ? » dit Jésus en jetant sur son lit la manette de sa PSP.
«  Parait qu’on est dans la merde ? » ajouta t-il en se jetant à la suite de la manette dans un bel envol, au ralenti pour l’effet.

Saint Pierre haletait les mains sur les genoux, les angelots déposaient ça et là les tonnes de dossiers, et heureusement que c’était une chambre divine sans quoi il n’y aurait pas eu assez de place.

«  T’étais obligé de ramener tout ce bordel avec toi ? » demanda Jésus, les doigts de pieds en éventail. Saint Pierre se redressa, mit son index à la commissure des lèvres, prit une minute d’intense effort intellectuel, puis, toujours en manque d’oxygène, répondit :
«  Han han han… maintenant que j’y pense…han han han… pas vraiment, Seigneur »

Et que voulez-vous ajouter à ça ? Jésus non plus n’ajouta rien. Il éprouvait soudain un début de migraine. Comme chaque fois qu’Il était confronté à la crétinerie des hommes. Ensuite, Il se souvenait les avoir crées à son image.

«  Pourquoi vous tapez-vous la tête contre ce montant de lit Seigneur ? » demanda Saint Pierre.

Written by saiphilippe

26 février 2013 at 16 h 43 min

Ex Catho-Logique ( épisode 1 )

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Cette histoire débute un beau soir entre fromage et dessert à la manière d’un cheveu dans la soupe ; Hubert, majordome portant beau la livrée de son état subalterne, débarrassait nonchalamment les assiettes creuses en affichant, d’un sourcil ombrageux, un air affairé quelque peu surjoué mais seyant bien dans le cadre prestigieux de cette maison de maitre. Il faut dire qu’on était chez le Bon Dieu.

Le Bon Dieu égouttait sa belle barbe blanche des restes du potage aux légumes qui s’y trouvaient, attirés sans doute par la lumière divine ; le petit Jésus, tête penchée mains jointes, semblait prier Dieu sait qui. Joseph tapait allégrement dans le clafoutis aux griottes qu’Hubert venait à peine de déposer sur la table. Marie fermait sa gueule et était au régime. Une soirée ordinaire chez la Sainte Famille et pièces jointes.

«  Jésus ! Bordel de Moi-même ! ne t’ai-je point déjà demandé de lâcher ce téléphone lorsqu’on est à table ? » s’écria le Bon Dieu dans un geyser de gouttes de potage aux légumes.

Jésus déposa le tout dernier Nokia Lumia 920, 529 euros sans abonnement, 4G disponible partout -même au paradis-, en soupirant. Son visage juvénile, quoique auréolé d’un halo contrarié, trahissait à la perfection son ascendance Divine, au grand dam de Joseph qui se sentait vraiment con dans ces moments-là. Rappelons pour mémoire aux bienheureux simples d’esprit que Jésus, fils de Dieu, est Dieu lui même, bien qu’engendré par Marie, qui est femme et donc compte pour du beurre, et par le Saint Esprit qui est Dieu et, par voie impénétrable de conséquence, Fils de Dieu. Cela s’appelle la consubstantialité. C’est un concept très beau mais très compliqué à comprendre, c’est pourquoi Joseph s’en tenait généralement à la première syllabe de ces jolis mots, surtout dans ces moments-là.

Quant au Saint-Esprit, il picorait seul dans la la Sainte Volière qu’on avait aménagé dans un recoin de la pièce. le Bon Dieu, consubstantialité ou pas, ayant estimé indigne de sa part de diner avec un pigeon. Déjà que son Fils lui tapait sur le système, alors un piaf ! Et donc étant Dieu, Fils, Divin Volatile à la fois, tous partageaient la même morosité, s’énervaient tous seuls à l’égard des uns et des autres et finalement s’encadraient avec un mal grandissant au fil que déroulaient, invariable, les siècles et les siècles. Amen. Alors, dans ces moments-là, Joseph retrouvait un regain de jovialité :

«  Qui c’est qui re-veut du clafoutis ? » tonna ,allègre, le rude charpentier de Bethléem à la rustre syntaxe.

Personne n’en manifesta la moindre velléité. Bon Dieu et Cie boudaient. Marie… mais qui s’en soucie ? Et le souper s’acheva dans un concerto pour soliste de claquements de mâchoires donné par le père Joseph, tandis que le reste de l’assemblée attendait le retour aux pénates comme le Messie. Soudain, à l’heure du café mais sans lui, Hubert déboula dans la pièce, porteur d’un plateau d’argent sur lequel sommeillait, replié et menaçant, un papier ordinaire.

«  Ça vient tout droit du standard. Un pli urgent que vous envoie Saint Pierre, Ô Mon Dieu. » S’essouffla Hubert.

Les quelques mots banals du télégramme s’agrégeaient en une lourde menace, même pas sous-jacente : «  Fin des temps est proche. Stop. Demande permission déclencher Plan Bleu. Stop. Signé : Saint Malachie. Stop et Fin.»

«  C’est qui ce con ? » demanda le Bon Dieu.

Written by saiphilippe

25 février 2013 at 19 h 00 min

La Gauche à travers les âges ( III )

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Il y parvint enfin tout de bosses refait et de plaies couvert car il était maladroit et le sentier traitre. Il faisait nuit noire à ne pas différencier un chat gris d’un blanc si bien que personne ne vit ses multiples chutes et si son orgueil considérable en était blessé du moins était-il le seul à le savoir. Agiteur se rafistola en silence, mit un peu de terre sèche dans son nez pour en éponger le sang en se promettant d’inventer le pansement hémostatique un de ces jours. Après la révolution en tous cas. La Révolution ! Ce mot terrible qui chevauchait ses synapses de neurone en neurone à la vitesse d’une mobylette au galop, ce mot effroyablement excitant qui papillonnait dans ses entrailles comme l’amour au printemps et fouaillait ses bourses d’une ardeur de jouvenceau. Quoi que puisse être la révolution, c’est surement un truc sexuel, se dit-il une fois ses soins terminés.

Mais les idées, souvent, n’en font qu’à leurs têtes et il n’est pas rare que leurs maux dépassent la pensée.

Pour l’heure, Agiteur triquait comme un cerf sur le chemin boueux qui menait aux masures de mauvais torchis du bourg infect perclus de misère dans tous les coins et de mouches à merde partout ailleurs. Il avait une folle envie de révolutionner un fion ou deux mais la place du village, vide de présence, n’accueillait qu’un souffle mort de nuit sans lune. Et un chien galeux qui puait à cent mètres. Et aussi un phacochère qui s’était gouré de chapitre. Un peu dépité et fort meurtri par le froid humide il alla se rencogner entre deux mauvaises bâtisses où un tonneau esseulé trainait son désarroi d’être à moitié plein. Il se cala dedans comme il put se disant que ce serait toujours mieux qu’une flaque de boue au pied d’un mur bouffé de chiendent.

Au petit matin un coq chanta et des portes jaillirent des flopées de bras noueux armés de pioches, de bines et de faux. Agiteur pointa sa tête hors de l’abri et devant ces foules prêtes au turbin, qui ne se souciait pas de sa présence, se dit qu’il n’aurait pas deux fois la chance d’ouvrir sa grande gueule devant si large assemblée.

«  Camarades ! » hurla t-il tout en s’interrogeant sur la nature de ce mot nouveau à ses lèvres venu sans qu’il sut ni pourquoi ni comment. Et cette concomitance d’événements donnait à ses traits l’air inspiré et vaguement soucieux d’un tribun sage et pénétré de sa mission. Ça tombait bien car des centaines de paires d’yeux viraient au même instant vers lui et au lieu de se dire : « quel est donc cet infâme clodo bleui de bosses, puant la vinasse à cent mètres, qui nous assomme les oreilles de bon matin dans le but racoleur de nous arracher un sou ? » ils pensèrent :  «  quoi que puisse avoir à nous dire cet être étrange – à l’air pénétré- cela ne peut être qu’intéressant vu qu’il sort d’un tonneau ».

Intermède philosophique: de cet instant date la manie des philosophes antiques d’émerger des tonneaux afin de renforcer leur crédibilité, ce qui peut paraître con au premier abord, et l’est définitivement au second. Les philosophes en toc déblatèrent plutôt cheveux et chemise au vent au sortir d’une suite au Ritz, sur les parvis élyséens ou sur les plateaux télés. Ils perdent en crédibilité ce qu’ils gagnent en pognon, mais puisqu’il y a des cons prêts à payer ils auraient tort de se priver.

«  Camarades ! » Enchaina t-il, «  on vous ment, on vous spolie ! Le patronat se moque de toi, il pète dans la soie et toi tu trimes, camarade. Ton salaire c’est le salaire de la peur ! Alors, rame, rameur ramé, on avance à rien dans ce canoé, là-haut on te mène en bateau ! Tous ensemble, tous ensemble Yeah Yeah ! »

Et certes tout cela était fort et beau mais un peu décousu. Les mots tombaient de sa bouche comme l’eau d’une gargouille après l’orage et noyaient les centaines de paires d’oreilles de la populace assemblée qui n’y entendait rien, mais alors rien du tout, sinon que la colère croissait en son sein à mesure que les mots lui grillait la cervelle. Et soudain il y eut des cris, des « hourras », des « vive la révolution ! », des « Allez les Bleus ! », des « Patriiiiiiiiiiiiick ! ». Des hystériques attrapaient des orgasmes rien qu’en se roulant par terre, clamaient à qui voulait les entendre qu’elles arracheraient les couilles de J.R avec les dents, tandis que d’autres prétendaient que ça lui ferait trop plaisir et qu’il vaudrait mieux le jeter dans une fosse à purin pour lui donner à goûter la condition populaire. Des hommes se mettaient des couteaux entre les dents, levaient le poing en signe de défi et de vengeance. Et Agiteur, troublé et toujours soucieux, contemplait le spectacle de cette foule devenue clameur. Qu’allait-il pouvoir en faire ? Pouvait-il seulement en faire quelque chose ?

Là-haut sur la colline, J.R Ewing s’étonnait de sa feuille de palmier immobile et du vent soufflé de la plaine qui charriait ce matin des odeurs suspectes : un relent de mauvaise haleine, genre fromage coincé de la veille entre deux dents creuses, alors qu’à cette heure, d’habitude, c’était des odeurs de pieds dans la bouse et d’aisselles fraiches.

«  Agiteur ? Mon bon Agiteur ? Où es-tu fieffé butor ? Mon petit peigne-cul adoré ? Youhou youhou ? Viens remuer tes palmes pour ton patronnounet chéri ! »

On le voit, J.R était un sentimental…

« Ou je te lâche mes dogues et mes gardes aux fesses, enfoiré de petite feignasse ! »

mais il y avait des limites.

Written by saiphilippe

27 décembre 2011 at 13 h 02 min

Publié dans Divertissement, Humour

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