La coupe est pleine
Une brume hivernale suinte sur Dijon blafarde, engluée d’embouteillages, percée de mille trous de voirie pour un tram à la mode. C’est encore un de ces jours d’hiver dont la région est friande. Un jour à la con. J’erre dans le bureau souterrain du palais des sports où il n’y a aucun ciel de faïence, pas de correspondances. Pas de lilas. Pas de billets. Mais des coupes, par centaines, endormies dans la chaleur ouatée d’un tapis de poussière.
Certaines sont là depuis plus de cinquante années dans une armoire du même age. Lourdes et patinées elles arborent le reflet vert du bronze et l’oxyde noir des vieilles cuiller d’argent. Elles trônent là, sur l’étagère, en rangs serrés. Immobiles. Certaines portent un nom gravé qui ne veut plus rien dire. A peine plus qu’une balafre, patronyme anonyme d’une page blanche d’annuaire. Un nom inconnu sur du marbre bon marché.
Ce n’est plus une étagère, c’est une allée de cimetière. Dans l’une des coupes un bout de papier jaune, une licence hors d’age d’un homme né en 1912. 1912 également pour cette photo de gamins moustachus en tenue de sport prise à Tunis au joyeux temps des Colonies. Ils sont là, sérieux en rangs serrés, encadrés des deux cotés par deux hommes en redingote et melon aux mines sérieuses. Plus que deux ans avant de crever dans les tranchées. En rangs serrés également.
Et partout autour de la planète des centaines de flashes crépitent pour fixer des souvenirs fugaces, des vaines glorioles, des amours mortes à peine ébauchés, des paysages, des fleurs, des gens, rien en définitive, les fixer un temps avant que ne s’en empare l’oubli. Et partout les hommes courent et gagnent, sautent et palpitent, frétillent de la joie imbécile de la vanité satisfaite. Gravent leur nom insignifiant sur leurs propre tombe en souriant à la postérité. Croient-ils.
Mais en vérité il arrive toujours le moment ou l’oubli gagne.
et oui c’est dans l’ordre des choses, de ne laisser qu’une trace infime…
j’aime bien imaginer ces coupes comme des urnes funéraires
(et toujours en filigrane, jamais très loin, la guerre 🙂
Muriele
30 janvier 2011 at 10 h 18 min
Très très beau texte… Je ne vois rien d’autre à dire ou alors j’ai déjà oublié…Possible…
Pascal le Magnifique
30 janvier 2011 at 10 h 20 min
houlalala !! humeur morose Phil ?? mais qu’est ce que tu fous dans un souterrain toi aussi ? 😦
joli texte du » temps passé »
bisous à toi bon dimanche 🙂
odha
30 janvier 2011 at 10 h 59 min
On commémore quelle triste fête aujourd’hui Philippe ???
où est-ce un éclair de réalisme subit, de ce qu’est en fait la vie : un simple frémissement d’air dans rien.
Tiens, je vais faire un tour à la messe, là au moins on vit pour l’éternité ! 😆
Dom Dom
30 janvier 2011 at 11 h 01 min
Un tour au bistrot pour moi… je préfère !
jean baptiste lucchini
31 janvier 2011 at 13 h 32 min
il y a l’oubli qui permet d’avancer et l’oubli qui creuse ta tombe … alors pour ceux qui y sont déjà , dans la tombe … c’est moins grave …
mamijodekymael
30 janvier 2011 at 17 h 30 min
Tu râles! Mais dans quelque temps on pourra faire des compétitions de tramways. Imagines: » Ce soir, à 20h30, finale du championnat de France de tram entre Dijon et Nantes au Stade de France… ». Ca aura quand plus de gueule que le Paris-Dakar!
ashdee, gorille sauvage
30 janvier 2011 at 19 h 35 min
Magnifico!
caicara1855
31 janvier 2011 at 8 h 38 min
superbe écriture, merci
plus belle encore la réflexion
qui nous rappelle que nous sommes tous
d’illustres inconnus appelés à disparaître
…
qui se rappelle su premier homme et de la première femme, pourtant créateur de l’Humanité… à la rigueur certains se rappellent de leur prénom… mais leur nom de famille…? impossible de se rappeler…
…
comment connaître notre propre nom si on ne se rappelle même pas de celui de nos pères…?!
😉
@+
LOOFY
31 janvier 2011 at 11 h 11 min
Un seul homme et une seule femme au début de l’humanité ? vous rendez vous compte du handicap constitué pour l’espèce de la pauvreté génétique ?
jean baptiste lucchini
31 janvier 2011 at 13 h 31 min
bien sûr que non, s’ils étaient francs-comtois…
sinon, ce serait certainement l’explication du manque d’évolution caractérisé de l’espèce humaine…
signé : un franc-comtois
😉
LOOFY
31 janvier 2011 at 15 h 51 min
en fait le patrimoine génétique humain dispose d’une base extrêmement restreinte. Les scientifiques ont découvert que nos ancêtre à tous ne dépassaient pas le nombre de 600 âmes et vivaient avant leur égrenage autour du monde en un même lieu.
d’une certaine façon le mythe d’Adam et Ève correspond à une réalité : nous sommes tous plus ou moins cousins sinon frères
saiphilippe
31 janvier 2011 at 15 h 53 min
je rajouterais même que (malheureusement) depuis que mon grand père est né, en 1903, la moitié des bébés humains sont nés sur cette Planète… ce qui est malheureusement vrai : donc patrimoine génétique extrêmement faible au départ (d’ailleurs ne dit-on pas : Patrie/Moine gêné tique !) et de plus risques réel de surpopulation rapide du fait de l’explosion démographique actuelle… Bref, mourrons libre et heureux pour laisser les autres vivrent dans le malheur le plus global.
et vive la vie quand même 🙂
LOOFY
31 janvier 2011 at 15 h 57 min